Déstabilisation de la RDC par le Rwanda : Ève Baizaiba se trompe
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Par Patrick MBEKO.
Dans une interview accordée à la BBC, la vice-première ministre Ève Bazaiba Masudi est revenue sur les différentes mesures prises par le gouvernement de la RD Congo en l’encontre du Rwanda. Selon elle, la RDC est aujourd’hui victime de la « bêtise humaine » qui a eu lieu au Rwanda en 1994. La vice-première ministre et ministre de l’Environnement fait ainsi allusion au génocide d’avril-juillet 1994 qui a endeuillé le pays des Mille collines.
L’affirmation de Madame Bazaiba pose problème. Non seulement elle n’est pas conforme à la réalité des faits, mais elle témoigne aussi de la méconnaissance des enjeux relatifs à la question sécuritaire dans le Kivu de la part des autorités congolaises. En effet, s’il est vrai que le génocide de 1994 au Rwanda a eu des répercussions importantes sur la stabilité de la région des Grands Lacs en général et de la RDC en particulier, il n’en demeure pas moins que la situation que connaît le Congo aujourd’hui est le résultat des stratégies de déstabilisation orchestrées par le régime de Paul Kagame pour contrôler une partie du Kivu et ses richesses. Le génocide n’a qu’un lointain rapport avec la triste réalité des faits. Il suffit de lire les différents rapports de l’ONU sur le pillage de la RDC pour s’en rendre compte.
En effet, tous les rapports du groupe d’experts des Nations unies contestent la véridicité de l’argument sécuritaire brandi régulièrement par le régime de Kigali pour justifier l’incursion de ses forces militaires sur le territoire congolais. L’un de ces rapports dit d’ailleurs ceci : « Le Rwanda a justifié la présence continue de ses forces armées par des raisons de sécurité alors que leur objectif réel à long terme consiste, pour reprendre les termes employés par le Bureau Congo de l’Armée patriotique rwandaise, à “se procurer des biens”. Les dirigeants rwandais ont réussi à convaincre la communauté internationale que leur présence militaire dans l’Est de la RDC a pour objet de protéger le pays contre des groupes hostiles qui se trouvent en République démocratique du Congo et qui, selon eux, se préparent activement à envahir le Rwanda. Le Groupe d’experts a de nombreuses preuves du contraire. »
Les mêmes experts de l’ONU ajoutent dans un autre rapport : «Sur la base de son analyse de nombreux documents et témoignages oraux, le Groupe d’experts estime que la présence du Rwanda en République démocratique du Congo a pour but d’accroître le nombre de Rwandais qui se trouvent dans l’Est du pays et d’encourager ceux qui y sont déjà installés à conjuguer leurs efforts pour aider le Rwanda à exercer son contrôle économique. »
On voit bien donc que le génocide de 1994 n’a rien à avoir avec les incursions répétées de l’armée rwandaise au Kivu. Les responsables politiques congolais doivent non seulement connaître l’histoire de leur pays, mais ils doivent aussi apprendre à se documenter ou à recourir à l’expertise des Congolaises et des Congolais qui maîtrisent les enjeux politiques, géopolitiques et géoéconomiques auxquels le pays est confronté. Établir un lien de causalité entre le génocide rwandais et les évènements dramatiques qui ensanglantent l’est de la RDC à cause du Rwanda revient à faire le jeu du farceur Kagame.
Non maman Bazaiba, la RDC n’est pas victime de la « bêtise humaine » qui a culminé au génocide de 1994 au Rwanda; elle est plutôt victime des prétentions hégémoniques du président Paul Kagame, mais aussi et surtout de l’inconscience et de la bêtise des responsables politiques congolais, souvent prompts à trahir inutilement leur pays pour des raisons bien souvent stupides.