Sous fausse identité, un Général congolais et ses hommes de main expulsés du Zimbabwe.
« Vous avez vos Dupont-Dupond, nous, au Congo, on a désormais nos Tshibangu-Tshibangu”, explique un politique congolais qui avoue être “passionné par la bande dessinée franco-belge. Un souvenir de mes années d’étudiant chez vous.”
Les personnages affublés ici de ce surnom n’ont rien des policiers gaffeurs et moustachus imaginés par Hergé… quoi que. “C’est plutôt les Tuche à Harare”, explique d’ailleurs un Kinois visiblement plus porté sur le cinéma hexagonal. Derrière ces sobriquets, deux hommes de l’entourage du président Tshisekedi répondant tous les deux au nom de Tshibangu. D’un côté, le professeur Serge Tshibangu, envoyé spécial de la RDC et du président de la République, de l’autre, le général John Tshibangu, élevé le 21 octobre dernier à ce grade par Félix Tshisekedi et nommé dans la foulée Commandant de la 21e Région Militaire, correspondant au Grand Kasaï.
Deux hommes que l’on découvre côte à côte le 31 mars dernier à Pretoria, la capitale sud-africaine, lors de l’inauguration de la nouvelle ambassade de la RDC au pays de Nelson Mandela. La présence du général étonne quelques Congolais qui s’interrogent sur les réseaux sociaux. Quelques jours plus tard, les deux hommes débarquent en jet privé au Zimbabwe. Serge Tshibangu, flanqué de diplomates congolais, débarque à Harare pour un entretien avec le président Emmerson Mnangagwa. Le général, lui, se présente muni d’un passeport diplomatique au nom de Bishop Beta Motondo.
Trois demandes, trois refus polis
Le 7 avril, le diplomate congolais s’entretient avec le chef d’État zimbabwéen. La rencontre est cordiale, sans plus. Le “vieux crocodile” (surnom de Mnangagwa, 80 ans) ne se montre guère enthousiaste aux propos de l’émissaire congolais qui vient avec une triple mission. La première, la demande d’un soutien militaire dans la lutte contre la rebellin du M23 dans l’est du pays. Tshibangu rappelle que le Zimbabwe a joué un rôle crucial lors de la seconde guerre du Congo à la fin des années 90. Le président Mnangagwa, ancien militaire qui était de cette campagne au Congo, n’est pas preneur. Il explique que la donne a changé, que son pays n’a plus les mêmes capacités militaires. Même réponse à la seconde demande congolaise qui est une invitation pour un voyage officiel en RDC. Le “vieux crocodile” explique qu’il faut quelques semaines, voire quelques mois pour mettre en place un tel déplacement et qu’il sera alors très occupé par la présidentielle qui doit se tenir cet été chez lui et lors de laquelle il brigue un second mandat. La troisième demande, plus délicate, connaîtra le même sort. Serge Tshibangu explique que des opposants congolais ont trouvé refuge au Zimbabwe et que l’un d’entre eux fait l’objet d’une demande d’extradition des autorités judiciaires congolaises. Il s’agit de John Numbi. L’ancien inspecteur général des forces armées congolaises poursuivi pour “association de malfaiteurs” et “l’assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana” est suspecté par Kinshsa de chercher à monter un coup d’État contre le président Tshisekedi. La justice congolaise a déjà demandé son extradition en décembre 2022 au Zimbabwe. Sans réponse. Même sort pour la nouvelle demande.
L’expulsion du bishop.
Si Serge Tshibangu ne s’est pas éternisé au Zimbabwe, l’autre Tshibangu, alias Bishop Beta Motondo, lui, est resté à Harare avec quatre de ses ouailles. Selon diverses sources dans la capitale zimbabwéenne, “l’homme menait son enquête sur des Congolais et le général Numbi”. De quoi susciter l’ire des autorités locales qui fustigent la duplicité de la démarche congolaise. “On veut amadouer notre président mais en même temps il y a une mission secrète d’espionnage, voire plus, qui est menée. C’est inacceptable. Ce sont des méthodes de voyous”, explique l’officiel qui ne cache pas la “colère” du président et qui interroge : “qu’aurait-il fait s’il l’avait trouvé sur notre territoire ?”
Le 15 avril, le bischop-général est arrêté avec ses acolytes dans le centre de Harare. Ils seront tous expulsés du territoire le lendemain…
La VP/ avec la Libre Belgique.